La gestion durable des pêches commence par le suivi des navires
Un accord au niveau international sur le suivi des navires entraînera une plus grande responsabilisation, renforcera la conformité et contribuera à protéger les pêcheurs
La vision générale
Bien qu’il s’agisse d’une ressource mondiale partagée publiquement, il existe un faible niveau de transparence sur ce qui se passe sur tous les océans, en particulier lorsqu’il s’agit de pêche en haute mer. Le suivi des navires est une méthode essentielle pour comprendre cette activité, et pourtant Global Fishing Watch a révélé qu’environ 75 pour cent des navires de pêche industrielle n’apparaissent pas dans les systèmes de surveillance publics.
Chez Global Fishing Watch, nous pensons que la transparence (rendre les informations disponibles et accessibles à toutes les personnes concernées) est essentielle à la bonne gouvernance des océans. Nous exhortons tous les États à soutenir l’établissement d’un accord exigeant que les navires de pêche opérant en dehors des eaux de leur État de pavillon soient publiquement suivis. Un tel accord devrait être basé sur la transparence pour permettre le partage des données de suivi des navires au-delà des seuls gouvernements.
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La gestion durable des pêches commence par le suivi des navires
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Les défis du suivi des navires
Le suivi des navires nous permet de mieux comprendre ce qui se passe sur l’eau en fournissant des informations sur un navire donné ainsi que sur sa localisation et ses activités. Il permet le suivi, le contrôle et la surveillance (SCS) des activités de pêche, tant autorisées que non autorisées, ce qui fournit une image complète de ce qui se passe sur l’eau aux gestionnaires des pêches et leur permet de mieux cibler les activités d’inspection. Le suivi des navires soutient également une gouvernance plus large des océans en fournissant des preuves et des données cruciales qui aident à éclairer les décisions relatives à la protection des habitats marins sensibles et de la biodiversité, à mener une planification spatiale marine et à garantir la sécurité des pêcheurs en mer.
Toutefois, le système actuel de suivi des navires est défaillant, et de nombreux gestionnaires des pêches manquent d’informations adéquates pour faire appliquer les réglementations. Développé de manière ponctuelle au fil du temps, le cadre de suivi des navires est fragmenté, ce qui crée un niveau croissant d’opacité quant aux navires qui opèrent, où et pendant combien de temps. Sans un mécanisme solide permettant de localiser les navires sur l’eau, les autorités ne disposent pas des informations nécessaires pour obtenir des résultats équitables, protéger l’océan et gérer durablement ses ressources. Ce manque de transparence alimente un vide de données déjà existant dans la gestion des océans, ce qui crée des obstacles importants à une gouvernance efficace et équitable. Cependant, une politique internationale en matière de suivi des navires contribuera à fournir une voie à suivre standardisée — une étape importante pour la gestion des ressources halieutiques et la gouvernance des océans.
Les types de systèmes de suivi des navires
Les navires de pêche sont principalement suivis par deux types de systèmes de transmission distincts : le système d’identification automatique (AIS) et le système de surveillance des navires (Vessel Monitoring System – VMS). Lorsqu’il est utilisé correctement, chaque système fournit une image précise de l’activité du navire en mer. Cela dit, outre leurs atouts, chaque système a ses propres faiblesses. L’intégrité, l’accessibilité et la fiabilité des données contribuent toutes à l’efficacité d’un système de suivi des navires.
L’AIS
L’AIS a été conçu à l’origine comme un système d’évitement des collisions, fournissant un enregistrement public et en direct des mouvements d’un navire (cap, vitesse, localisation, ainsi que des informations d’identification) afin de garantir que les navires puissent être repérés même dans des conditions météorologiques défavorables. Les informations sont transmises d’un navire à un autre ainsi qu’aux récepteurs satellite et à terre. Bien que l’AIS ait été conçu à l’origine pour la sécurité en mer, son utilisation comme mécanisme de suivi s’est développée ces dernières années. Seuls 2 pour cent des quelque 2,9 millions de navires de pêche dans le monde sont équipés d’un AIS, pourtant ils sont responsables de plus de la moitié de l’effort de pêche qui se déroule à plus de 100 milles marins des côtes et jusqu’à 80 pour cent de la pêche qui a lieu en haute mer. L’AIS comporte tout de même un certain nombre de limites.
Seuls 2%
des quelque 2,9 millions de navires de pêche dans le monde sont équipés d’AIS
Bien qu’abordables et simples à installer, les dispositifs AIS ne sont pas toujours rendus obligatoires par les États du pavillon, ce qui, en l’absence d’autres données de suivi, crée une lacune très importante en matière de gestion pour les autorités, ainsi qu’une lacune en matière de sécurité pour les pêcheurs. Le système est conçu pour être ouvert et n’est pas crypté, ce qui facilite la manipulation des données (par exemple, le nom ou la position d’un navire) ou la désactivation totale du système. Il est possible pour les utilisateurs de falsifier les informations via une transmission corrompue ou déformer délibérément les informations du navire pour dissimuler des activités illicites. Dans certaines circonstances, comme en cas de piraterie, l’AIS peut être légitimement et temporairement désactivé pour protéger la sécurité et le bien-être d’un équipage. Ces cas devraient être consignés dans le journal de bord du navire et l’État du pavillon devrait en être informé.
Comme tout système de transmission, l’AIS dépend de la couverture du signal, c’est-à-dire de la probabilité variable qu’un signal soit reçu par des satellites, des antennes terrestres ou des antennes sur d’autres navires. Dans les zones à faible couverture, ou à l’inverse, à forte activité de navires, les signaux peuvent être perdus. Il existe deux principaux types de classification d’appareils AIS, aux capacités différentes : classe A et classe B. La classe A fournit le signal le plus fiable et la meilleure couverture, tandis que la classe B utilise moins d’énergie et transmet à une fréquence plus basse. Pour les navires de plus de 24 mètres opérant en dehors de la juridiction nationale, Global Fishing Watch recommande l’utilisation de transpondeurs de classe A.
La taille entre également en ligne de compte. Le suivi AIS fonctionne beaucoup moins bien sur les petits navires lorsqu’ils fonctionnent avec des appareils de classe B et qu’ils n’ont pas l’électricité à bord ou sont confrontés à de faibles signaux de transmission. Par conséquent, seule une petite fraction des navires de moins de 15 mètres utilisent réellement l’AIS, ce qui représente la grande majorité des navires de pêche dans le monde et limite donc notre image globale de l’activité de pêche mondiale.
Le VMS
Contrairement à l’AIS, les systèmes de surveillance des navires ont été créés spécifiquement pour la gestion des pêches. Les données transmises via VMS sont spécifiques à une région ou à une pêcherie et soumises aux décisions des instances dirigeantes ; elles sont donc exclusives et accessibles uniquement à certaines parties.
Le VMS permet de suivre les navires de pêche des flottes côtières et hauturières à des intervalles désignés. Les dispositifs, qui peuvent inclure des fonctionnalités supplémentaires de sécurité et de protection contre les falsifications, permettent un flux privé d’informations entre le navire de pêche, ses exploitants et propriétaires, et les autorités des pêches compétentes. Même au sein d’une même juridiction, le VMS n’est pas nécessairement requis pour toutes les classes de navires de pêche — différenciées par leur taille ou leur engin — ce qui rend difficile de composer une image précise de l’activité de pêche en mer. Il existe également une tendance croissante à étendre le VMS aux petits navires. Ces systèmes, souvent désignés sous le nom de VMS côtiers, peuvent intégrer une recharge solaire et utiliser diverses méthodes de transmission des données au Centre de surveillance des pêches.
Les futures formes de suivi
À mesure que la technologie évolue, il est probable que d’autres formes de suivi et de surveillance voient le jour. La surveillance électronique, composée de caméras et de divers capteurs d’activité positionnés sur les navires, en est un exemple. La technologie satellitaire qui permet d’utiliser des images pour détecter les navires en est une autre. Cela deviendra peut-être plus répandu à mesure que la technologie deviendra plus viable et intéressante sur le plan économique. Bien que ces deux systèmes comportent des avantages et puissent s’avérer rentables, ils n’en sont qu’à leurs balbutiements. À ce jour, les principales formes de suivi des navires de pêche de taille industrielle sont l’AIS et le VMS.
Un cadre international pour le suivi des navires
L’un des principaux problèmes du système actuel de suivi des navires est sa nature disparate. Développées au fil du temps par les États, les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) et les organismes internationaux, les réglementations en matière de suivi sont incohérentes et appliquées de manière variable. En conséquence, il existe une prolifération d’exigences applicables à différents navires, ce qui rend difficile pour les exploitants de navires de savoir ce qu’ils doivent avoir à bord et à qui ils sont censés le signaler. Cela ouvre la porte à des acteurs peu scrupuleux qui pourraient profiter du système et contourner les lacunes réglementaires.
Les données de suivi des navires constituent un outil puissant dans la lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), mais les méthodes de suivi actuelles présentent des faiblesses qui réduisent leur efficacité en tant qu’outil de surveillance.
En 2022,
En 2022, Global Fishing Watch a constaté que la neutralisation des EAE était la plus élevée dans les zones géographiques souvent associées à la pêche INN
En 2022, Global Fishing Watch a constaté que la désactivation de l’AIS atteignait les niveaux les plus élevés dans les zones géographiques souvent associées à la pêche INN. Les navires étaient plus susceptibles de désactiver leur AIS près des limites des zones économiques exclusives, en particulier les zones faisant l’objet de contestations, ce qui suggère une tendance à la désactivation de l’AIS dans les zones où les navires ne sont pas autorisés.
Il n’existe pas de mandat international global pour le suivi des navires de pêche. Bien que des traités tels que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ou l’Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion exigent que les États ou les groupes régionaux établissent des mesures pour gérer l’activité de leurs navires, la manière de procéder n’est pas définie. D’autres instruments internationaux, tels que le Plan d’action international visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ou le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable, incluent le suivi des navires comme un élément de la gestion des pêches, toutefois ce ne sont pas des instruments contraignants et ils ne constituent donc pas un cadre international global.
Le traité de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer contient des dispositions concernant l’utilisation de l’AIS pour les navires de plus de 200 tonnes brutes effectuant des voyages internationaux, mais les navires de pêche peuvent en être exemptés par les États du pavillon. Les États gardent également la possibilité d’exiger que les petits navires de pêche utilisent l’AIS, mais il n’existe aucune exigence internationale contraignante à cet effet. Bien que les ORGP assurent une gestion régionale essentielle des stocks partagés et de la haute mer, elles exigent rarement que les navires opérant dans leurs zones de convention soient équipés de dispositifs AIS. De plus, les VMS utilisés varient considérablement selon les organes de gestion, et les données elles-mêmes restent privées. Étant donné que les ORGP sont responsables de la gestion de zones situées en haute mer et hors de leurs juridictions nationales, ces données devraient être mises à la disposition du public.
Compte tenu des problèmes inhérents au système actuel, il apparaît nécessaire de transformer la manière dont le suivi des navires fonctionne. Un nouveau régime international est nécessaire afin de créer un cadre universel pour des normes minimales de suivi des navires. Cela uniformiserait les règles du jeu pour tous les pêcheurs et tous les États, et résoudrait les nombreux problèmes rencontrés par le système actuel.
Exigences régionales en matière de suivi des navires
Management Body | Tracking Requirements |
---|---|
Commission des pêches pour le Pacifique occidental et central (CPPOC) | Le VMS est requis pour tous les navires de pêche qui pêchent des poissons grands migrateurs en haute mer dans la zone de la Convention. Les fréquences de transmission varient en fonction du navire, de la saison ou de la localité et, bien que la fréquence par défaut soit toutes les quatre heures, de nombreux États du pavillon exigent un taux de transmission plus élevé. |
Convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) | Le VMS est requis sur tous les navires dépassant 20 mètres entre perpendiculaires, 24 mètres de longueur hors tout (Length Overall - LOA) ou sur les navires de plus de 15 mètres de LOA qui sont autorisés à pêcher dans les eaux situées au-delà de la juridiction du pavillon. Les transmissions doivent être collectées et transmises une fois toutes les heures pour les senneurs et toutes les deux heures pour tous les autres navires. |
Commission des thons de l’océan Indien (CTOI) | Le VMS est requis pour tous les navires de plus de 24 mètres, et cela est également requis pour les navires de moins de 24 mètres opérant en dehors de leur zone économique exclusive (ZEE) lorsqu'ils pêchent des espèces couvertes par la CTOI. L’exigence minimum est une transmission au Centre de surveillance des pêches (CSP) une fois toutes les quatre heures. Toutefois, ces données ne sont pas partagées avec un système centralisé au sein de la CTOI, mais uniquement avec les CSP. |
Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE) | Le VMS est requis sur tous les navires de plus de 24 mètres pêchant ou prévoyant de pêcher dans la zone réglementée, et la localisation du navire doit être transmise toutes les quatre heures. |
Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR). | Tous les navires autorisés à pêcher dans la zone de la Convention CCAMLR doivent disposer d'un dispositif VMS qui génère des rapports toutes les heures ainsi que d'un dispositif AIS. La CCAMLR a également adopté une mesure exigeant que tous les navires opérant dans la zone de la Convention soient équipés d'un AIS et que le dispositif soit activé. |
Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud (ORGPPS) | Tous les navires autorisés inclus dans le registre des navires de la Commission dans la zone de la Convention ORGPPS et/ou dans la zone tampon adjacente doivent utiliser un dispositif VMS. Les rapports de position seront transmis au CSP et au Secrétariat au moins une fois par heure. |
Un suivi des navires fondé sur la transparence conduit à une meilleure gouvernance des océans
Un système de suivi des navires fondé sur la transparence peut améliorer la gouvernance des océans de nombreuses manières. Cela profitera aux décideurs engagés dans la gestion des pêches ainsi qu’aux fonctionnaires responsables du SCS, d’améliorer les données de suivi dont ils disposent. Les décideurs politiques disposeront d’une image plus claire des activités menées dans leurs eaux, et les acteurs de la chaîne d’approvisionnement pourront effectuer des vérifications systématiques améliorées, protégeant ainsi les personnes en première ligne qui risquent leur vie dans le cadre de leur travail. Fondamentalement, cela améliore l’accès aux données, ce qui permet de rendre compte de ce qui se passe sur l’océan.
Partage de données et gestion des pêches
Le système actuel de partage de données entre les autorités des pêches n’est pas efficace pour la gestion des pêches. Sa fonction première étant la sécurité, l’AIS est accessible au public : tout le monde peut accéder aux données. Toutefois, la couverture du signal n’est pas fiable, les données peuvent être manipulées et les unités peuvent facilement être désactivées. D’un autre côté, le VMS est efficace pour fournir des indicateurs d’activité des navires, mais les données sont souvent considérées comme exclusives. Bien que certains États aient pris la décision louable de publier leurs données VMS, celles-ci restent souvent fermées et inaccessibles.
Certaines ORGP gèrent elles-mêmes leurs données VMS, ce qui permet à leurs membres de partager leurs données avec d’autres parties lorsque cela est pertinent (généralement dans le cadre des inspections au port ou de la planification des patrouilles), ou de les partager directement avec le secrétariat de l’ORGP pour informer les démarches liées à la conformité et à la gestion. Cependant, si deux États ne sont pas reliés par une ORGP, la transmission des données VMS dépend uniquement des accords de partage de données entre ces États. Dans certains cas, cela est formalisé et soutenu par un flux de communication efficace et fluide entre les bases de données et les différents systèmes. Dans d’autres cas, il peut y avoir une relation interpersonnelle plus étroite qui facilite le partage des données nécessaires.
Cependant, lorsque les États ne disposent pas d’accords de partage de données — formels ou informels — il peut être difficile pour les parties d’obtenir les données de suivi nécessaires à la composition d’image complète de l’activité de pêche. Cette absence de données de suivi compromet l’efficacité de la gestion des pêches et de la protection marine, et expose les États à la pêche INN, ce qui épuise les stocks de poissons et menace les communautés locales. Dans le cas de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (AMREP), qui vise à empêcher le débarquement de poissons INN par des navires battant pavillon étranger, la mise en œuvre reste un défi. En l’absence d’accords de partage de données, les navires de pêche INN peuvent passer entre les mailles du filet, car sans accès aux données de suivi, les autorités portuaires ont du mal à déterminer l’historique d’activité et de mouvement d’un navire. L’absence de données de suivi est particulièrement grave pour les États côtiers qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour mettre en place un programme indépendant de connaissance du domaine maritime (CDM) qui inclurait la technologie nécessaire pour identifier les navires dans leurs eaux ou dans les zones de haute mer. Sans transparence, ces États ont du mal à déterminer quand les navires entrent dans leur ZEE et ce qu’ils font. La transparence et l’accès aux données sont des éléments essentiels pour ces nations.
S’ils étaient dotés d’un système de suivi des navires fondé sur la transparence, les États côtiers et les États portuaires n’auraient plus besoin de s’appuyer sur des accords de partage de données ou sur des systèmes de CDM coûteux. Les données seraient accessibles au public, garantissant ainsi que les gestionnaires des pêches prennent des décisions éclairées sur la base des meilleures preuves disponibles, ce qui contribuerait à maximiser l’efficacité de leurs opérations et à punir les pêcheurs INN.
Davantage d’équité dans les décisions relatives à l’utilisation de l’océan
Le système de suivi actuel crée une absence d’équité dans les prises de décisions et la gestion. Lorsque les informations de suivi des navires ne sont disponibles que pour les États du pavillon, les autres parties prenantes sont privées des informations dont elles ont besoin pour participer efficacement aux processus décisionnels. Tandis que la concurrence pour l’espace dans l’océan s’intensifie — les stocks de poissons sont en mouvement constant et de nouvelles industries comme l’énergie éolienne empiètent sur l’espace — une compréhension commune de l’activité de pêche devient cruciale, en particulier pour les pêcheurs artisans qui cherchent à défendre leurs droits et leurs zones de pêche. Les informations disponibles suggèrent également que les données de suivi peuvent être utiles pour renseigner la planification spatiale de l’espace maritime, mais que si les données de suivi ne sont pas accessibles au public, cela limite la participation des pêcheurs.
À l’inverse, dans le cadre d’un système de suivi des navires fondé sur la transparence, les données sont disponibles pour que toutes les parties prenantes puissent les visualiser, les utiliser et les analyser, ce qui facilite une équité et une prise de responsabilité fondamentales dans le cadre des prises de décisions. Il est essentiel de garantir que toutes les parties concernées aient accès aux mêmes données pour faire en sorte que l’activité de pêche soit correctement comprise et gérée. De plus, cela permet la création, la désignation et la gestion efficace d’aires marines protégées, notamment en haute mer.
Amélioration de l’information à l’appui des prises de décisions pour le secteur
La transparence profite à la chaîne d’approvisionnement des produits de la pêche. Lorsque le suivi des navires n’est pas disponible au public, les acheteurs et les commerçants de produits de la mer sont dans l’incapacité d’effectuer les vérifications requises sur les produits qu’ils achètent, ce qui augmente le risque que des poissons capturés illégalement soient introduits sur les marchés. Si les données de suivi des navires étaient rendues publiques, les entreprises de produits de la mer seraient mieux équipées pour prendre des décisions d’approvisionnement éclairées. Le renforcement de la transparence au sein des chaînes d’approvisionnement entraîne une prise de responsabilité, améliore la crédibilité de l’entreprise et pousse le marché vers des produits de la mer qui proviennent de sources à la fois responsables et durables.
La sécurité en mer
La pêche a longtemps été considérée comme l’un des métiers les plus dangereux au monde, avec plus de 100 000 décès liés à la pêche chaque année. Étant donné que l’AIS n’est pas requis sur tous les navires — même ceux qui opèrent en haute mer —, cela pose un risque encore plus grand pour les pêcheurs, car la position des navires reste inconnue. Au-delà de l’évitement des collisions, les transmissions AIS facilitent également les opérations de recherche et de sauvetage. En l’absence d’exigences de suivi par AIS, couplée avec l’absence générale de lois internationales relatives à la sécurité en mer, un traité mondial et contraignant devient nécessaire pour encadrer le suivi des navires de pêche et éviter les pertes de vies humaines.
Faire du suivi des navires fondé sur la transparence une réalité
La voie est ouverte vers un nouvel accord international relatif au suivi des navires fondé sur la transparence. Lors de la 35e session du Comité des pêches (Committee on Fisheries – COFI) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Norvège a officiellement proposé un accord mondial contraignant qui exigerait l’utilisation de systèmes de suivi des navires à bord des navires de pêche et rendrait obligatoire le partage des données de position entre les gouvernements concernés. Les avantages articulés comprennent une amélioration du SCS, un soutien à la mise en œuvre de l’AMREP, des Directives sur le transbordement et la Déclaration de Rome de 2005 sur la pêche INN.
Avec le soutien d’un certain nombre d’États, le Comité de la FAO a par la suite validé la conduite d’une étude mondiale qui servira de base à des discussions dans le cadre d’un processus consultatif avec des experts politiques et techniques. Ce processus évaluera les différentes options disponibles pour améliorer le système international actuel de suivi des navires. Toutefois, le chemin à parcourir n’est pas rectiligne et il reste trois défis majeurs à relever.
Considérations de coût et d’effort
Réunir la communauté internationale autour d’un nouvel accord international relatif au suivi des navires fondé sur la transparence représentera un effort important qui consommera à la fois le temps et les ressources de la FAO et de ses États membres. Il a fallu plus d’une décennie pour que l’AMREP soit accepté, depuis sa suggestion initiale jusqu’à l’achèvement des négociations. Cependant, cela ne fait que renforcer les arguments en faveur d’une action immédiate. Notre système actuel est défaillant et l’avenir de la gouvernance des océans nécessitera de disposer de données précises et transparentes sur lesquelles fonder les décisions. Bon nombre des difficultés de mise en œuvre rencontrées avec les politiques internationales telles que l’AMREP seraient considérablement améliorées par un accord global sur le suivi des navires.
Même si l’élaboration d’un nouvel accord comporte des coûts, ceux-ci sont éclipsés par les conséquences de l’inaction, c’est-à-dire, les dommages causés à notre océan, à ses vastes ressources et aux milliards de personnes qui en dépendent pour leur subsistance et leur bien-être.
Risques relatifs à la protection des données personnelles
Certains craignent que la publication des informations de suivi des navires ne viole les lois relatives à la protection des données personnelles. Il s’agit d’une préoccupation raisonnable dans la mesure où les informations de suivi des navires peuvent également inclure des détails sur les navires, tels que leur nom et leur numéro de l’Organisation maritime internationale.
Cependant, une analyse juridique commandée par Global Fishing Watch révèle qu’il est peu probable qu’un suivi public obligatoire des navires viole la réglementation sur les données personnelles. L’analyse révèle que le capitaine et l’équipage du navire sont les plus exposés en ce qui concerne les données personnelles, car ce sont leurs localisations qui seraient révélées. Cependant, étant donné que les listes d’équipage sont rarement disponibles, il serait difficile de déterminer la localisation d’une personne grâce à la publication de la position d’un navire.
Ce risque peut être atténué davantage par le biais de conditions d’octroi de licences, afin d’obtenir un consensus ou d’établir des réglementations pour garantir que les avantages publics l’emportent sur les risques liés aux données personnelles. En termes simples, le risque peut être minimisé en rendant la transparence explicite dans les lois ou réglementations. En outre, les navires qui diffusent déjà publiquement leur position, que ce soit via l’AIS ou le VMS, n’ont pas encore présenté de problèmes liés à la protection des données personnelles, ce qui renforce l’évaluation selon laquelle il s’agit d’un scénario à faible risque, mais très bénéfique.
Sensibilités commerciales
Le secteur de la pêche commerciale regorge de connaissances gardées secrètes qui vont des zones de pêche intéressantes aux meilleurs moments de la journée pour pêcher. Ces informations sont souvent considérées comme la propriété intellectuelle des pêcheurs, développée au fil des années de métier. Même la simple divulgation de l’emplacement des navires de pêche représente souvent plus d’informations que ce qu’un capitaine de navire souhaite partager, car cela pourrait attirer la concurrence d’autres navires. L’industrie de la pêche fournit plus de 33 millions d’emplois à l’économie mondiale et constitue la principale source de protéines de 3 milliards de personnes. Il est donc important que ces préoccupations soient prises au sérieux et atténuées.
Un moyen efficace de garantir la protection des connaissances propres au métier de la pêche serait de regrouper toutes les données VMS publiées afin que les activités spécifiques de navires distincts ne puissent jamais être associées à une localité en particulier. À l’inverse, dans certaines situations, des retards dans la publication des données de suivi des navires peuvent atténuer le risque pour certaines pêcheries. Par exemple, les espèces de thon se déplacent fréquemment, ce qui signifie que la localisation des zones de pêche fait partie des connaissances moins privilégiées. En travaillant en collaboration avec l’industrie de la pêche, dans le but de comprendre et de répondre à leurs préoccupations, il est possible d’identifier des solutions pour atténuer les sensibilités commerciales, sachant que les dispositifs AIS transmettent déjà la localisation de certains navires.
Il est important que la transparence ne soit pas considérée comme une menace pour le secteur de la pêche. En fin de compte, il sera nécessaire de négocier et de convenir du niveau de transparence prévu au sein d’un accord-cadre international avec les parties prenantes concernées. La position de Global Fishing Watch est que la transparence — dans ce cas la publication des données VMS — est cruciale lorsqu’un navire pêche en dehors de ses propres eaux, car les avantages dépassent de loin les risques limités encourus.
Transparence pour la gouvernance des océans
Le système disparate actuel de réglementations sur le suivi des navires — développé au fil du temps par les États, les ORGP et les organismes internationaux — est incohérent et ne suffit souvent pas à fournir les données complètes nécessaires à une gouvernance efficace des océans. Cette approche fragmentée crée d’importantes lacunes réglementaires que des acteurs peu scrupuleux peuvent exploiter, sapant ainsi les efforts de lutte contre la pêche INN. L’absence d’un mandat international global encadrant le suivi des navires laisse de nombreuses parties prenantes sans les informations dont elles ont besoin pour s’engager efficacement dans les activités de gestion et de contrôle des pêches.
Un nouvel accord international sur le suivi des navires est essentiel pour relever ces défis. Un tel accord normaliserait les exigences de suivi et rendrait les données accessibles au public, ce qui permettrait à toutes les parties prenantes de participer à la gestion des pêches.
Les démarches d’avenir, initiées par la proposition de la Norvège lors de COFI35, représentent une opportunité déterminante de créer un cadre solide à l’appui de la protection de nos ressources océaniques et des personnes qui en dépendent. Malgré les coûts et les défis, les avantages d’un système de suivi des navires complet et transparent compensent les risques encourus, ce qui en fait une étape cruciale vers une gouvernance durable des océans.