Le COFI36 est prêt à relever les défis les plus urgents pour nos océans — de la pêche INN à la dégradation de l’environnement. Toutefois, la priorité absolue devrait être accordée à des actions rapides en faveur d’une plus grande transparence.
Le secteur de la pêche et de l’aquaculture est essentiel au bien-être économique et environnemental de notre planète. Aujourd’hui, plus de 3 milliards de personnes dépendent des produits de la mer comme principale source de protéines, tandis que le secteur lui-même emploie plus de 60 millions de personnes dans le monde, alimentant la vie et les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs du monde entier.
Cependant, notre océan est en difficulté, tout comme son écosystème. Selon le Rapport de 2024 sur la Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture publié le mois dernier par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les ressources halieutiques continuent d’être confrontées à des menaces graves qui vont du changement climatique et de la pollution à des enjeux tels que la dégradation des habitats, la surpêche et la mauvaise gestion.
Des problèmes aussi pressants nécessitent des solutions urgentes. Étant donné que les décideurs se réunissent à Rome, en Italie, la semaine prochaine pour la 36e session du Comité des pêches de la FAO (COFI36), ce forum intergouvernemental peut réaliser des progrès décisifs pour développer une gestion plus efficace et plus durable des océans au bénéfice de tous. Et bien que les participants ne manquent pas de sujets de discussion en ce qui concerne les nombreux défis du secteur de la pêche à l’échelle mondiale, trois actions clés sont à mettre en œuvre en priorité par les délégués au COFI36 pour renforcer la gestion mondiale des pêches :
Le manque de données de suivi des navires constitue un défi majeur dans la lutte contre la pêche illégale, non réglementée et non déclarée (INN), en particulier lorsqu'il s'agit de navires étrangers opérant dans la zone économique exclusive d'un État donné. Cela entrave l’efficacité des efforts de suivi, de contrôle et de surveillance des autorités gouvernementales dans leurs eaux. Cela permet également aux opérateurs peu scrupuleux d’exploiter les lacunes et les failles de la réglementation et de poursuivre leurs activités sans être détectés, souvent aux dépens des États côtiers et du port.
Chez Global Fishing Watch, nous pensons qu'un ensemble de nouvelles mesures mondiales contraignantes exigeant le suivi de tous les navires commerciaux opérant en haute mer peut aider les États à mieux comprendre les rencontres potentielles avec des navires étrangers. En outre, ces mesures peuvent être utiles aux États côtiers pour prendre conscience des zones où les activités de pêche ont lieu par rapport aux zones sensibles ou protégées. Elles peuvent également aider les États du port et du pavillon à dresser un tableau de l’historique des navires pour déterminer s’il convient ou non de leur accorder une immatriculation.
C’est pourquoi les délégués au COFI de cette année doivent prendre des mesures claires et fermes pour atteindre cet objectif. En outre, ils peuvent commencer par obtenir un financement à l’appui d’une étude mondiale sur le suivi des navires. Cette étude mondiale doit être robuste pour garantir qu’elle suscite un changement tangible. Elle doit également reconnaître la transparence comme un principe de bonne gouvernance des océans. De plus, l’étude doit inclure une évaluation des avantages et des opportunités liés à la transparence, en particulier pour les navires pêchant en dehors de leurs propres eaux. L’étude doit également développer une analyse sur l’intérêt de tirer parti à la fois des systèmes d’identification automatique (AIS) et des systèmes de surveillance des navires (VMS) pour la gestion des pêches. Elle doit aussi être inclusive, prenant en compte les besoins et les exigences des États en développement tout en garantissant leur participation continue.
Enfin, l’étude doit être associée à un calendrier clair. Avec le soutien nécessaire des délégués et des organisations non étatiques, l'étude mondiale pourra être lancée à temps pour le Sous-comité de la gestion des pêches en janvier 2025 en vue de présenter la version finale à la 37e session du COFI en 2026.
Pour parvenir à une meilleure gouvernance des océans, il est essentiel de s’orienter vers un mandat mondial en ce qui concerne le partage des données sur les navires. Toutefois, les délégués au COFI36 ne doivent pas s’arrêter là.
Une transparence accrue de l’activité humaine en mer peut permettre de renforcer la prise de responsabilité, favoriser une meilleure application des lois et permettre à un large éventail de parties prenantes de participer aux prises de décisions, à la gestion et au suivi. En même temps, cela peut garantir que les acteurs néfastes soient sanctionnés de manière appropriée pour leurs transgressions.
Cependant, la responsabilité du respect des réglementations nationales et internationales en matière de pêche n'incombe pas aux navires individuels, mais à leurs propriétaires et exploitants. Ces propriétaires effectifs sont souvent impossibles à identifier, dissimulés derrière des couches de structures d'entreprise complexes et opaques qui leur permettent d'échapper aux sanctions pour les activités illicites commises par leurs navires. Et pourtant, les gouvernements et les régulateurs n’exigent pas toujours la divulgation des informations sur les propriétaires effectifs, malgré les avantages clairs et tangibles que la transparence peut apporter à la gouvernance mondiale des océans.
En mars 2024, les États membres de la FAO ont recommandé que le Secrétariat de la FAO étudie la faisabilité et les implications du partage d'informations relatives aux propriétaires effectifs dans le Fichier mondial. C'est pourquoi Global Fishing Watch exhorte également les délégués au COFI36 à prendre des mesures sur le partage d’informations relatives à la propriété effective en appelant le Secrétariat de la FAO à procéder à l'étude de la question et à présenter un résultat concret au Sous-comité de la gestion des pêches en janvier 2025.
Les États membres doivent souligner l’importance du partage d’informations relatives à la propriété effective par le biais du Fichier mondial de la FAO, et faire avancer ce programme. La réunion de cette année constitue une occasion privilégiée de donner une impulsion à cette question importante.
Global Fishing Watch crée, transforme et distribue des données pour accroître la transparence des activités humaines dans l'océan mondial. Nous préconisons et conduisons également des efforts politiques visant à rendre l’activité humaine en mer plus transparente et accessible au public.
En effet, nous savons que la transparence est au cœur de la lutte contre la pêche INN et contribue à garantir la durabilité des pêcheries et de la gestion des océans. Nous savons également que la transparence encourage la conformité, ouvrant la voie à une approche évolutive et équitable visant à transformer la gestion des océans. Le pouvoir transformateur de la technologie et des données en libre accès réside dans leur capacité à rendre l’information accessible et exploitable par tous.
Toutefois, la clé de ce potentiel réside dans les gouvernements des États membres de la FAO, car ce sont les dépositaires des données.
Le COFI36 offre une opportunité cruciale pour les États membres de la FAO d'honorer leurs devoirs de sauvegarde et de s'engager à formuler des recommandations qui améliorent la transparence des données et entraînent des changements significatifs pour protéger nos océans. En promouvant la transparence, les délégués au COFI36 peuvent s'engager ouvertement en faveur d'une véritable gouvernance mondiale des océans, et ainsi créer une base pour des pratiques de pêche durables et responsables dans le monde entier.
Agir pour un océan durable
L’état actuel de nos océans met en évidence le besoin urgent de politiques ciblées ancrées dans la transparence, qui permettent le développement des capacités et qui favorisent le transfert de technologie et les investissements responsables à l’appui de la gestion durable des pêches là où les besoins se font le plus ressentir.
Lors du COFI36, les États membres et la FAO ont une occasion en or d’accélérer leurs efforts pour garantir la transparence des activités humaines dans nos océans et de concrétiser leur engagement en faveur d’une plus grande responsabilité, d’une meilleure gouvernance et de la réduction des menaces écologiques. Ce n’est qu’en agissant rapidement dès aujourd’hui que nous pourrons garantir un avenir océanique sain, durable et résilient pour tous.
Global Fishing Watch et ses partenaires sont prêts à soutenir les efforts déployés par la FAO et les États membres pour faire progresser les conversations et les actions en ce qui concerne le suivi des navires, la propriété effective et la transparence des données.
Nous serons présents lors des réunions, prêts à discuter avec les participants et à les convaincre d’œuvrer en faveur de ces changements décisifs. Ensemble, nous pouvons avoir un impact significatif et ouvrir la voie à davantage de transparence et de durabilité pour l’océan.
Paolo Domondon est le responsable des programmes et des politiques chez Global Fishing Watch.